Portrait Carapace

Toc toc toc. Le bruit de ses talons synthétiques sur le trottoir. Une jolie jambe est possiblement emprisonnée dans son jean délavé ultra moulant. Elle a une peau un peu blême, mais saine, fraîche et satinée. Une toute délicate touche de rouge rehausse la forme de ses lèvres. Toc toc toc. Elle se sent femme de tête à dix-huit ans; seuls ses propos puérils la trahiront. Sa petite main que l’on sait douce, agile, hésitante, est prolongée par de longs doigts effilés et des ongles fièrement entretenus. À la taille de ses bras, on reconnaît la femme de salons, de cafés, de bars, qui voudra se mettre en forme, mais ne franchira jamais la porte du gymnase. Toc toc toc. Toujours elle avance, tête haute, les yeux camouflés sous d’immenses lunettes miroirs, voyeuse. Ses longs cheveux tout juste mouillés, lavés, rincés, séchés, défrisés, brossés, coiffés, flottent sous la brise. Frustration, tout est à refaire. On lui envoi la main, elle répond avec une surdose d’enthousiasme, se compose un visage avant d’être à portée de bise. Elle embrasse le vide, baisers insipides. Elle parle assez faiblement pour qu’on se rapproche, qu’on hume un parfum discret mais diablement divin. Toc toc toc. Elle repart prestement, ne supporte pas le retard, parait responsable. La ligne de ses hanches balance de gauche à droite, attirante. Elle réprime ses frissons automnaux, se refuse à sortir ses fourrures si tôt, orgueilleuse. Toc toc toc. Comme un maillet sur sa carapace. Quelqu’un s’attardera-t-il assez longuement, frappera-t-il assez fort pour qu’elle ose se montrer enfin ?