mercredi 28 décembre 2005

Un matin comme les autres

La brise caresse la plante de mes pieds, glissés hors de mes hayons; le soleil éblouit mes yeux encore à peine entre-ouverts… Voilà le matin qui se pointe, diable enrobé de satin blanc.

Le feu n’a évidement pas survécu à la solitude nocturne, atteint d’une vicieuse morsure de froid, il n’a pourtant pas baissé les bras…son assaillant étant de toute évidence beaucoup trop puissant pour lui.

Convaincu que le sommeil ne me rattrapera pas avant la fin de la journée, je m’extirpe de ma couche avec des gestes lents et amples, tentant de reprendre possession de mon corps. Une vive douleur à la poitrine et un endolorissement généralisé ne sont pas sans ramener les souvenirs de la journée d’hier. Il ne faut pourtant pas trop y penser, celle d’aujourd’hui est d’hors et déjà bien entamée.

Bien peu de temps pour avaler quelques bouchés d’un premier repas tout à fait infecte… par delà la colline se font désormais entendre les chocs des premiers assauts.

Jetant mon manteau négligemment sur mes épaules trop frêles, j’entame la courte marche jusqu’à l’écurie de campagne. Un fier destrier m’y attend, prêt à me porter jusqu’à la compagnie archère où je pourrai fignoler mes préparatifs.

Une lame à la ceinture, grosse, apparente, mal aiguisée; arme principale. Une arme d’appoint, plus petite de taille, juste en cas… encore une dans une botte, quelques projectiles de courte distance en bandoulière… ne manque plus qu’un peu d’encouragement pour être fin prêt.

De l’encouragement, bien sur… et quoi encore ! En ce lieu déchiré par les cris et les entrechoquements de métal, chaque soldat troquerait volontiers son casque en échange d’une solide et confiante poignée de main. Le problème c’est que personne ne peut la leur offrir. Même le chef, aux puissantes stratégies, se retrouve bien souvent prit d’une subite hésitation à la vue des troupes ennemies.

Et si je ne peux en avoir … alors mieux vaut me battre avec seulement l’énergie du désespoir … et laisser aux autres ce qui me reste de motivation. Me forçant au sourire, je marche entre les rangs de combattants, laisse s’envoler mes mots. J’y crois presque; dans leurs yeux, une subtile lueur, juste à peine ce qui leur fera tenir les armes un peu plus forts, lever la tête un peu plus haut. De mon plus valeureux patriote j’empoigne ensuite la main jusqu’au bras, l’attire à moi dans un fracas d’armure : « Jusqu’à la mort! »

Dans une poursuite de ce rugissement, je me retourne promptement vers les lignes ennemies et d’un pas lourd et déterminé entraîne à ma suite toute mon escouade de meurtriers improvisés.

L’ennemi aussi s’est mit en marche. Lentement, leurs visages émergent de l’épais brouillard matinal. Plus que quelques pas. Mon arme tournoie au bout de mon bras.

Une fraction de seconde avant l’impact, je laisse tomber mon bouclier et me prépare à la violence du choc…

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